" Clémentine, sois sage." Du haut de ses 9 ans, Julie me lance un regard exaspéré. Je n'ai que 4 ans mais apparemment, je suis, selon elle, la gamine la plus chieuse qu'il lui a été donné de rencontrer dans sa vie. Notre différence d'âge est importante. C'est vrai que moi, il n'y a que jouer qui m'intéresse et j'ai tendance à toujours être dans ses pattes et réclamer son attention. Alors qu'elle, elle commence à grandir, à vouloir sortir toute seule avec ses copains copines et sa petite soeur est plus un poids qu'autre chose pour elle. Là, je suis en train de la tirer par le bras, la suppliant de venir jouer avec moi dans le jardin. Elle soupire et secoue la tête : " J'ai mes devoirs à finir Clémentine. Allez va jouer toute seule, je te rejoindrais plus tard." A mon tour de soupirer, agacée par le côté trop sérieux de ma soeur. " T'es méchante Julie." Je lui fais ma moue la plus boudeuse et finis par sortir de sa chambre puisque de toute façon, elle ne daignera pas bouger. Ca étonne souvent cet écart d'âge entre nous. En fait, Lucie est en quelque sorte un "accident". Papa et maman l'ont eu quand ils étaient encore au lycée. Ils ont réussi cependant à assurer leurs études. Maman est vétérinaire, et papa docteur. Pendant leurs études, j'ai pointé le bout de mon nez et je sais que bientôt, maman va nous ramener un petit frère ou une petite soeur. J'ai hâte, peut-être que je pourrais m'amuser là au moins. […] Je tiens la main de Lucie et je sens mon coeur battre tellement je suis excitée. On va à l'hôpital. Maman a donné naissance à notre petite soeur. Lucie  semble moins enthousiaste que moi, mais je la sens quand même fébrile de voir à quoi ressemble la petite dernière. On entre dans la chambre, précédé par papa qui a un sourire ébahi sur le visage. On sent qu'il est heureux et je dois avouer que je ne l'ai jamais vu sourire comme ça. Il nous guide et on aperçoit alors maman qui tient entre ses bras un petit être tellement petit qu'on dirait qu'elle pourrait l'écraser avec la force de ses bras. " Venez voir mes chéries, venez voir votre petite soeur. Jessica." Un sourire radieux éclaire son visage à la peau presque mat, et ses longs cheveux blonds  forment un masque autour de son visage. Je ressemble à maman, Julie à papa. Je me demande déjà si Jessica me ressemblera plus à moi ou à Julie, et j'espère secrètement qu'elle me ressemble. Je me rapproche doucement du lit et me hausse sur la pointe des pieds pour regarder de plus près ma petite soeur. Elle est minuscule et je tapote doucement son nez comme pour m'assurer qu'elle est bien réelle, ce qui déclenche un petit gazouillement. " C'est quand qu'elle pourra jouer à la balle avec moi ? Et aux poupées ? " Maintenant qu'elle est là, je suis impatiente de pouvoir jouer avec elle. Je me sens investie d'une grande mission, faire de Jessica une petite soeur parfaite, et pour ça, je dois la prendre sous son aile. J'ai déjà hâte d'être à l'école demain pour raconter tout ça à William  et Charlotte, mes meilleurs amis depuis l'époque des bacs à sable et couches culotte. Je suis même pressée de leur présenter la crevette Jessica.

" William  sait tout, Alexandre va se marier avec Charlotte. Je me suis vraiment foutue dans une situation de fou là." Je lançais un regard perdu à Julie, ma grande soeur. Cette dernière avait remarqué que ces derniers temps, je ne semblais pas au meilleur de ma forme et elle m'avait cuisiné jusqu'à que je finisse par tout lui dire. Au lieu de me critiquer et de me juger comme je l'avais craint, elle avait compris et m'avait écoutée en silence. " Faut que tu penses à toi avant toute chose Clémentine. Rester avec lui alors qu'il n'y a aucune chance que ça aille plus loin que quelques nuits de temps en temps, ça va te briser, tu le sais ? Et si Charlotte vient à l'apprendre, elle ne te pardonnera jamais. Est-ce qu'il vaut vraiment le coup de perdre ta meilleure amie de toujours ? " Je secouais doucement la tête et haussais les épaules : " Je sais que tu as raison, mais je l'aime. Et je suis incapable de le quitter. Même si je sais que c'est la seule chose à faire. C'est trop compliqué la vie des fois." Ma soeur hocha la tête et passa sa main sur mon bras en signe de réconfort : " Ca va aller, tu verras. Tu vas t'en sortir comme une chef, je le sais. Et un jour, tu tomberas sur un garçon fait pour toi." Elle m'enlaça et je me laissais aller dans ses bras, le coeur un peu plus léger.